Le réservoir de Montsouris à Paris : à la découverte de la cathédrale de l’eau !

En France, on consomme 8,7 milliards de litres d’eau en bouteille plastique par an. 8 millions de tonnes de plastique finissent dans les océans chaque année : une calamité pour l’environnement ! Un geste simple et écolo permet d’aider à inverser la tendance à Paris : boire l’eau du robinet, naturellement riche en calcium et en magnésium. Cette eau est stockée dans cinq réservoirs aux portes de Paris, dont l’impressionnante « cathédrale de l’eau » de Montsouris. C’est dans ce joyau architectural du XIXème siècle aux allures de citerne antique que se cache sous bonne garde un tiers de la consommation d’eau potable des Parisiens ! Un lieu interdit au public, même lors des journées du patrimoine…

©Nicolas Pelé _ La belle architecture en voûte du réservoir souterrain de Montsouris.

Quel mystère se cache sous l’immense butte de gazon encadrée par la rue de la Tombe-Issoire, l’avenue Reille, l’avenue René-Coty et la rue Saint-Yves, dans le 14ème arrondissement de Paris ? Tout ce que l’on peut apercevoir depuis l’extérieur en levant la tête, ce sont ces lanternons de style Art Nouveau qui émergent ici et là lorsque l’on se trouve sur l’avenue Reille. Il s’agît d’un site stratégique ultra protégé et sécurisé, interdit au public même durant les journées du patrimoine : le réservoir de Montsouris. J’ai néanmoins eu l’opportunité d’y accéder.

©Stéphane Querbes_Réservoir Montsouris – L’eau cristaline prend ses quartiers dans cette majestueuse cathédrale de l’eau qui évoque la fameuse Citerne Basilique d’Istanbul.

Casque de spéléologue sur la tête, on pénètre dans une véritable grotte. Sur la droite, des truitomètres servaient autrefois à tester la qualité de l’eau… Ces anciens aquariums aménagés dans une paroi en faux rochers abritaient des truites très sensibles aux pollutions. Si la truite montrait des signes d’affaiblissement, l’eau était alors considérée comme polluée et était dirigée vers l’égout. L’usage des truitomètres fut stoppé en 1996 et remplacé par les analyses en laboratoire. Ainsi est née la légende des truites de Montsouris.

©LilyB – Réservoir Montsouris Paris – Les fameuses truitomètres
©Nicolas Pelé – Robinets d’entrée et de sortie du réservoir qui servaient à goûter l’eau avant qu’elle ne soit distribuée.
©Nicolas Pelé – Dans la « grotte » du réservoir de Montsouris.

En pénétrant à l’intérieur, on comprend d’emblée pourquoi cet endroit unique de 254 mètres de long sur 127 mètres de large est surnommé « la cathédrale de l’eau ». 1 800 piliers soutenant une multitude de voûtes et d’arcades se déploient à l’infini devant vous, évoquant la magnifique Citerne Basilique d’Istanbul. L’eau est si limpide et pure qu’elle semble tout droit sortir d’un lagon des Maldives ou de Polynésie, mais gare à vous si vous tombez dedans, sachez qu’elle ne fait que 12°C !

©Nicolas Pelé – Un bleu lagon qui invite à la baignade, on se contentera d’admirer la cathédrale de l’eau avec les yeux !

Contrairement à la Citerne Basilique d’Istanbul qui date de l’antiquité, le réservoir de Montsouris fut édifié à la fin du XIXème siècle, sous l’impulsion du baron Haussmann, préfet de Paris, et de l’empereur Napoléon III. Jusqu’à cette époque, les Parisiens buvaient l’eau de la Seine… La Seinoise, comme diraient les Inconnus ! En 1869, année de l’inauguration du parc Montsouris voisin, débute la construction du réservoir qui prendra donc le nom de Montsouris, et qui sera achevé en 1874. Un chef d’œuvre réalisé par l’ingénieur Eugène Belgrand, à qui l’on doit les égouts de Paris, l’impressionnant pont-aqueduc de la Vanne à Arcueil-Cachan et les fontaines Wallace, entre autres. Le réservoir de Montsouris fut complété par ceux de Ménilmontant en 1869, Saint-Cloud en 1899, Les Lilas en 1963 et L’Haÿ-les-Roses en 1969.

©Stéphane Querbes_Réservoir Montsouris – Une « cathédrale » de 254 mètres de long sur 127 mètres de large. L’eau n’est pas bénite, mais pour les Parisiens, c’est une bénédiction !

Bâti sur d’anciennes carrières dans l’un des points les plus élevés du sud de Paris, il abrite 203 000 m3 d’eau réparties sur deux niveaux en quatre compartiments : deux inférieurs de 60 000 m3 et deux supérieurs de 40 000 m3. L’équivalent de 80 piscines olympiques ! Autrefois appelé réservoir de la Vanne, puis de Montrouge, le réservoir de Montsouris fut pendant très longtemps la plus grande réserve d’eau potable du monde.

©Arnaud Bouissou / MEDDE – Arrivée d’eau dans le réservoir de Montsouris (203 000 m³), qui alimente, à partir des eaux provenant des aqueducs de la Vanne et du Loing, les 1er, 2e, 3e, 4e et 7e arrondissements, et en partie les 5e, 6e, 8e, 9e, 10e, 11e, 12e, 13e, 14e et 15e arrondissements. 

L’approvisionnement provient de la Seine et de la Marne, ainsi que des eaux souterraines, dont certaines jaillissent naturellement, captées parfois à plus de 150 km de Paris, aux confins de la Normandie, de la Bourgogne et de la Champagne. L’arrivée d’eau est constante, il faut donc ajuster le niveau en fonction de la consommation et répartir l’eau selon les différents compartiments. Selon les quartiers, les Parisiens bénéficient d’un mélange d’eaux souterraines et d’eaux de rivières potabilisées.

©Nicolas Pelé – Coupe transversale du réservoir de Montsouris. Les deux compartiments inférieurs, d’une hauteur sous voûte de 7 m, peuvent contenir une hauteur d’eau maximale de 4,20 m. Les deux compartiments supérieurs, d’une hauteur sous voûte de 4 m, peuvent contenir une hauteur d’eau maximale de 2,50 m.
©Stéphane Querbes_Réservoir Montsouris – Un site stratégique ultra sécurisé et protégé. Le réservoir de Montsouris est fermé au public, pour des raisons évidentes de sécurité. Depuis les attentats de 2015, on ne peut plus le visiter, même pendant les journées du patrimoine.

Charmant édifice de style Art nouveau, le lanternon d’arrivée des eaux accueillait à l’origine les eaux souterraines captées dans la région de Sens dans l’Yonne en Bourgogne et acheminées alors par l’aqueduc de la Vanne sur plus de 150 km. Ce sont désormais les eaux des aqueducs du Loing, du Lunain et de la Voulzie, acheminées sur plus de 100 km, qui convergent ici. Tout au long de son trajet, l’eau circule de façon gravitaire, s’écoulant lentement, grâce aux quelques centimètres de dénivelés pour chaque kilomètre qui suffisent à créer la pente nécessaire. Protégée de l’air, elle conserve ainsi la température initiale de sa source.

©Pascal Lemaitre_Réservoir Montsouris – Le lanternon de style Art nouveau où convergent les eaux acheminées par les différents aqueducs depuis les confins de la Bourgogne et de la Champagne.
©Nicolas Pelé – Tulipes en fonte de l’arrivée des eaux du Loing, du Lunain et de la Voulzie dans le lanternon.

En levant les yeux, on admire un superbe plafond représentant les armoiries de la ville de Paris avec sa fameuse devise qui a particulièrement sa place en ces lieux : fluctuat nec mergitur, «elle flotte, mais ne sombre pas». Sont aussi mentionnées les sources qui ont successivement alimenté le réservoir de Montsouris : Vanne (1874), qui passe par l’impressionnant aqueduc d’Arcueil-Cachan, Loing et Lunain (1900), en provenance de Fontainebleau, et enfin Voulzie (1925), en provenance de Provins. Aujourd’hui, la source de la Vanne n’alimente plus le réservoir.

©Nicolas Pelé – La devise de Paris inscrite sur le superbe plafond du lanternon Art nouveau.
©Nicolas Pelé – Vanne : l’un des aqueducs qui approvisionnent en eau le réservoir de Montsouris.

Parsemée de vannes, le toit-terrasse du réservoir domine à 25 mètres, la hauteur standard d’un immeuble haussmannien. Entièrement laissé à la nature, ce terrain de trois hectares, près de quatre fois celui du Stade de France, est un réservoir de la biodiversité en plus d’être un réservoir d’eau ! Plus de 200 000 abeilles dans quatre ruches ont élu domicile dans ce corridor écologique, produisant 40 kg de miel par an : le fameux miel de Montsouris ! On s’attendrait presque à voir brouter des vaches ou des moutons…. La vision de ce champ naturel d’où surgissent au loin des immeubles de la capitale est étonnante !

©Nicolas Pelé – Le toit-terrasse du réservoir de Montsouris : pas de piscine ou de lounge bar branché ici, mais un terrain de trois hectares réservé à la biodiversité.

Un peu plus loin, au 41 boulevard Jourdan, toujours dans le 14ème arrondissement de Paris, on pourra visiter le pavillon de la Porte d’Arcueil, poste d’observation des eaux souterraines provenant de la région de Provins et de Nemours en Seine-et-Marne, acheminées par l’aqueduc du Loing avant leur stockage à Montsouris. Il s’agit du seul lieu à Paris où l’on peut entrer dans un aqueduc en fonction et voir couler l’eau sous ses pieds !

©Nicolas Pelé – Le Pavillon de la Porte d’Arcueil.

A deux pas du réservoir de Montsouris, autour du jardin Marie-Thérèse Auffray, dans les rues de l’Empereur Valentinien, Thomas Francine et l’avenue Reille, partez à la recherche des vestiges de l’ancien aqueduc Médicis, construit au XVIIème siècle, et de l’aqueduc gallo-romain de Lutèce (IIème siècle). Ils furent mis à jour dans les années 1990, à l’occasion de l’aménagement de la ZAC Alesia-Montsouris et conservés de manière surprenante. Une véritable plongée dans l’histoire !

©Nicolas Pelé – L’aqueduc Médicis avenue Reille.
©Nicolas Pelé – L’aqueduc Médicis rue de l’Empereur Valentinien.
©Nicolas Pelé – L’aqueduc Médicis à l’angle de la rue de l’Empereur Valentinien et de la rue de l’Empereur Julien.
©Nicolas Pelé – L’aqueduc Médicis passant sous le jardin Marie-Thérèse Auffray au niveau du regard n°23.
©Nicolas Pelé – L’aqueduc Médicis rue Thomas Francine.
©Nicolas Pelé – L’aqueduc gallo-romain de Lutèce rue de l’Empereur Valentinien.

La première pierre de l’aqueduc Médicis fut posée en 1613 par le jeune roi Louis XIII, en présence de sa mère la régente Marie de Médicis, sur le site de Rungis. L’ouvrage de 13 km de long fut achevé en 1628. Il captait plusieurs sources au sud de Paris dans le bassin de récupération de Rungis. Ensuite, l’aqueduc conduisait l’eau sur 13 km grâce à une galerie souterraine suivant le relief. Une dénivellation régulière et naturelle de Rungis, à 75 mètres d’altitude, jusqu’à la maison du Fontainier dans le jardin de l’Observatoire, à 57 mètres d’altitude. Le but était d’approvisionner le château et le jardin de Marie de Médicis, aujourd’hui le palais du Sénat et le jardin du Luxembourg.

Le tracé suit généralement l’aqueduc gallo-romain de Lutèce, qui approvisionnait les thermes romains de Cluny, boulevard Saint-Michel à Paris. L’aqueduc de Médicis traverse les communes de Fresnes, L’Haÿ-les-Roses, Arcueil, Gentilly et Montrouge, avant d’entrer à Paris au niveau de la Cité Universitaire. La totalité de son parcours dans la capitale est situé dans le 14ème arrondissement. Afin d’en assurer son entretien, l’aqueduc de Médicis était doté de 27 regards, qui permettaient d’accéder à la galerie. Sur les sept repertoriés à Paris, quatre sont encore visibles, dont le n°26, situé dans le jardin de l’Observatoire, le n°25, situé dans l’enceinte de l’hôpital La Rochefoucauld et le n°23, dans le jardin Marie-Thérèse Auffray.

©Nicolas Pelé – 25ème regard dans l’enceinte de l’hôpital La Rochefoucauld, visible depuis l’avenue René-Coty, non loin de la place Denfert-Rochereau.
©Nicolas Pelé – Regard n°23 rue Thomas Francine dans le jardin Marie-Thérèse Auffray.

Les bâtisseurs de l’aqueduc de Médicis au XVIIème siècle ont repris le site du pont-aqueduc antique pour implanter le leur, dans la partie la plus étroite de la vallée de la Bièvre. C’est le fameux pont-aqueduc d’Arcueil-Cachan, bien connu des usagers du RER B, immanquable avec ses 38 mètres de haut, 1 kilomètre de long et 77 arcades, dont certaines sont directement supportées par l’aqueduc Médicis !

©Nicolas Pelé – L’impressionnant pont-aqueduc d’Arcueil-Cachan rejoint ici l’aqueduc de Médicis du XVIIème siècle et l’antique aqueduc gallo-romain dont l’on aperçoit encore certains vestiges, et correspond à l’aqueduc de la Vanne. Comme le réservoir de Montsouris et les égouts de Paris, on le doit à l’ingénieur Eugène Belgrand.
©Nicolas Pelé – A Fresnes, à deux pas de Castorama, certains automobilistes curieux se demandent quel est cet étrange monument évoquant une petite chapelle nichée au milieu d’un rond-point. Il s’agît d’un des premiers regards de l’aqueduc Médicis, le troisième pour être précis, après le point de départ de Rungis, et assurément l’un des plus grands et spectaculaires de tous ! C’est aussi le plus profond, plongeant à 10 mètres sous terre. Surnommé « regard de la loge », il est classé aux monuments historiques depuis 1933. Un cadran solaire trône au sommet.

Maintenant, lorsque vous boirez de l’eau du robinet à Paris ou dans l’une des 1 200 fontaines et points d’eau potables de la capitale, vous aurez percé quelques-uns de ses secrets ! Une eau saine naturellement riche en calcium et en magnésium, convenant aussi bien aux bébés qu’aux personnes âgées. Boire de l’eau de Paris, c’est faire un geste pour la planète et réduire la pollution des océans où dérivent des continents de plastique. Eau de Paris, qui est un service 100% public, s’engage à faire de la capitale une ville zéro déchet plastique à usage unique d’ici 2024, pour les Jeux Olympiques.

Pour aider à mettre en œuvre cet ambitieux projet, de nombreux partenaires sont mobilisés : RATP, restaurants, commerces, associations sportives et culturelles, écoles, hôpitaux, hôtels… Le groupe Accor notamment est particulièrement engagé avec la participation active du Novotel Paris Tour Eiffel, qui met en place des bars à eau et supprime les bouteilles en chambre. Il ne vous reste plus qu’à investir dans une bonne gourde, que vous pourrez remplir gratuitement d’eau potable de Paris !

©Nicolas Pelé – Sur le toit-terrasse, un panneau est plus clair que toutes les explications !

Reste à convaincre les Parisiens et les touristes ! Pour vous rassurer, sachez qu’aucun autre aliment n’est plus contrôlé, avec un million de mesure pas an… Mais quid du chlore et du calcaire ? Tout est une affaire d’équilibre, les eaux du robinet sont plus ou moins calcaires (calcium, nécessaire) et riches en chlore, qui permet la traçabilité de la qualité de l’eau. Sachez enfin qu’Eaux de Paris a disposé 17 fontaines pétillantes dans la capitale, une eau potable gazéifiée (on a juste ajouté du gaz carbonique sous pression) qui surprend plus d’un passant, ne voyant pas de différence avec l’eau de célèbres marques ! Où sont les fontaines d’eau potables à Paris ? C’est par ici !

Publié par Nicolas Pelé

Le voyage est la passion de ma vie : chaque départ est une aventure, peu importe la destination, et chaque fois que je prends l'avion, c'est comme la première fois.

8 commentaires sur « Le réservoir de Montsouris à Paris : à la découverte de la cathédrale de l’eau ! »

  1. ce reportage sur l’eau de Paris est vraiment bluffant. Comment imaginer que nous avons sous nos pieds de tels volumes d’eau qui sont acheminés sur d’aussi longs parcours ? Les photos sont magnifiques et donnent vraiment envie d’aller dans ce lieu mystérieux.

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  2. Je rejoins Christine…. Tant d eau sous nos pieds ! Une promenade souterraine qui nous donne envie d ouvrir le robinet et d abandonner nos packs d eau. Joli reportage.

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  3. Bonjour, comme indiqué dans l’article, le réservoir de Montsouris ne se visite pas, car il s’agît d’un site stratégique, y compris pendant les journées du patrimoine. J’ai eu la chance d’y pénétrer à l’occasion d’une visite exceptionnelle réservée à la presse, il y a quelques semaines.

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