La Cité scolaire Marie Curie à Sceaux, des abris souterrains aux terrasses panoramiques

Classée monument historique, la cité scolaire Marie Curie, perchée sur une colline au sommet de Sceaux, se remarque de loin, tel un château fort ! On parle d’ailleurs de « palais pour l’éducation »… Avec ses tours, sa Cour d’Honneur, son Grand Hall et ses souterrains, les élèves aiment la comparer à Poudlard. Mais ici, point de style médiéval : l’architecture est résolument Art déco, typique des années 1930, époque de sa construction. Suivez le guide, des terrasses panoramiques — avec vue sur le château de Sceaux et la tour Eiffel — jusqu’aux mystérieux abris dissimulés dans ses entrailles !

© Nicolas Pelé – L’inscription Lycée Marie Curie a remplacé Lycée de jeunes filles. La mixité est introduite en classe de sixième en 1971, en même temps que la fin du port obligatoire de la blouse. Juste en face, la bien nommée avenue de la République – en réalité une petite rue d’une centaine de mètres – relie la cité scolaire à la mairie de Sceaux.
Le fronton en bas-relief représente les allégories féminines des Sciences et des Lettres : l’une tenant un livre, l’autre accompagnée d’un globe et d’instruments de mesure. En son centre s’élève l’arbre de la connaissance portant un cartouche octogonal, dans lequel sont inscrits les noms d’Homère, Virgile, Molière, Pascal, Hugo et Pasteur, encadré par les figures de la Tragédie portant un voile et de la Musique avec une lyre.

Même s’il n’a jamais été surnommé le plus beau lycée de France comme son rival scéen, la cité scolaire Lakanal inaugurée en 1885, le lycée Marie Curie n’en demeure pas moins un superbe édifice chargé d’histoire. En 1930, la ville de Sceaux acquiert un terrain de 18 870 m² : une vaste propriété, avec maison et parc, ayant appartenu au célèbre mathématicien Augustin-Louis Cauchy, qui y vécut et y mourut en 1857. La maison de maître, construite dans la seconde moitié du XVIIe siècle, est l’un des plus anciens édifices de la ville. Entre 1932 et 1936 — dates gravées de part et d’autre du carillon octogonal de la Cour d’Honneur — le lycée Marie Curie est édifié dans le parc, tandis que la maison devient un logement pour les professeurs. Comme l’ensemble du site, elle est inscrite à l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques depuis 2001.

© Nicolas Pelé – Pavillon Cauchy, maison de maître construite dans la deuxième moitié du XVIIᵉ siècle. Le lycée Marie Curie, visible à droite sur la photo, a été bâti dans son parc. Sur la plaque noire, on peut lire :
« Augustin-Louis Cauchy, mathématicien, membre de l’Académie des sciences, 1789–1857, vécut et mourut dans cette maison. »
© Nicolas Pelé – Ce majestueux portail d’entrée, datant du XVIIᵉ siècle, témoigne de l’élégance architecturale de l’époque.
© Nicolas Pelé – Plaque commémorative dans le vestibule de la Cité Scolaire Marie Curie.

Etablissement d’excellence (le lycée Marie-Curie se hisse en tête du classement des meilleurs lycées des Hauts-de-Seine en 2025), la cité a été édifiée par Émile Brunet, architecte en chef au service des Monuments historiques, formé à l’école de Viollet-le-Duc. Il fut également l’élève d’Anatole de Baudot, restaurateur du Mont Saint-Michel et architecte du lycée de garçons Lakanal en 1885. Le lycée Marie Curie figure aujourd’hui parmi les bâtiments scolaires les plus remarquables des années 1930. Sa maquette est d’ailleurs exposée à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine, à Paris. Son plan en peigne, en double fer à cheval, épouse harmonieusement la pente du terrain. Au nord, dans sa partie la plus haute, s’élève un imposant corps de bâtiment long de 137 mètres, qui forme la façade principale. À ses deux extrémités s’attachent deux ailes perpendiculaires, de dimensions similaires : 100 mètres à l’est, 96 à l’ouest. Deux ailes médianes, plus courtes, viennent encadrer trois cours surélevées.

© Nicolas Pelé – La monumentale porte d’entrée en fer forgé est l’œuvre du maître ferronnier Raymond Subes, célèbre pour avoir travaillé sur le paquebot Normandie, cathédrale des mers de l’Art déco. Les dalles de verre gravées à la main et serties dans la ferronnerie, représentant les matières enseignées, sont signées du maître verrier Auguste Labouret.
© Nicolas Pelé – L’Histoire.
© Nicolas Pelé – La Musique.
© Nicolas Pelé – La Philosophie.
© Nicolas Pelé – La Géographie.
© Nicolas Pelé – La physique et la Chimie.

En 1932, l’État confie à l’architecte Émile Brunet la construction d’un lycée de jeunes filles, alliant les prouesses techniques du béton armé à la richesse décorative de la brique. Il s’entoure alors d’une équipe d’artisans d’exception : le sculpteur Albert Chartier, le ferronnier Raymond Subes, le maître verrier Louis Barillet, et le mosaïste Auguste Labouret.

Il faudra toutefois attendre le 19 juin 1937 pour l’inauguration officielle, présidée par Jean Zay, ministre de l’Éducation nationale du Front populaire, tragiquement assassiné par la Milice en 1944. Émile Brunet, la directrice Suzanne Forter — à la tête de l’établissement jusqu’en 1954 — ainsi qu’Irène Joliot-Curie, fille aînée de la célèbre scientifique, assistent également à la cérémonie.

C’est en 1938 que le lycée prend officiellement le nom de Marie Curie, en hommage à la grande savante scéenne, décédée trois ans plus tôt. Il devient alors le premier établissement d’Île-de-France à porter le nom d’une femme. Son buste en marbre gris poli, réalisé par Louis Albert Chartier, trône aujourd’hui dans le vestibule.

© Nicolas Pelé – Buste de Marie Curie sculpté par Albert Chartier. Il trônait autrefois dans le Parloir (actuelle salle des professeurs) et se trouve aujourd’hui dans le vestibule d’entrée. Une copie en bronze de ce buste a été installée à l’Académie nationale de médecine à Paris en janvier 2024.
Le Parloir, devenu salle des professeurs, a longtemps abrité le buste de Marie Curie, désormais déplacé dans le vestibule.
© Nicolas Pelé – La salle des professeurs aujourd’hui, sans le buste de Marie Curie.
© Nicolas Pelé – Double lauréate du prix Nobel – physique en 1903 et chimie en 1911 –, Marie Curie est à l’honneur dès l’entrée du lycée qui porte son nom.
© Nicolas Pelé – Réalisées par le maitre verrier Auguste Labouret, les huit mosaïques du Grand Hall célèbrent la beauté et l’éducation des jeunes filles. Elles illustrent des scènes d’apprentissage en plein air : excursion en montagne, promenade à la campagne, peinture de paysage, pratique musicale (à droite), visite archéologique (à gauche).
© Nicolas Pelé – Comme au Panthéon, les deux philosophes des Lumières Voltaire et Rousseau poursuivent leur duel éternel.
© Nicolas Pelé – Comme au Panthéon, les deux philosophes des Lumières Voltaire et Rousseau poursuivent leur duel éternel.
© Nicolas Pelé – Le maître ferronnier Raymond Subes qui travailla pour le paquebot Normandie, véritable cathédrale des mers de l’Art déco, a réalisé toutes les rampes des cages d’escalier, en fer forgé et en cuivre, ainsi que l’horloge octogonale de la Cour d’Honneur. Marie-Curie est d’ailleurs conçu sur le thème du paquebot : fenêtres octogonales, rembardes métalliques, balcons en forme de coque…
© Nicolas Pelé – Les grands vitraux aux motifs géométriques (horizontaux et verticaux) qui ornent les escaliers sont l’œuvre du maître-verrier Louis Barillet.
© Nicolas Pelé – Les collections d’histoire naturelle sont exposées dans les couloirs. Ici, sur le palier du premier étage, un meuble d’origine présente animaux naturalisés, squelettes, coquillages, minéraux et pierres.
© Nicolas Pelé – Les collections d’histoire naturelle sont exposées dans les couloirs. Ici, sur le palier du premier étage, un meuble d’origine présente animaux naturalisés, squelettes, coquillages, minéraux et pierres.
© Nicolas Pelé – Les collections d’histoire naturelle sont exposées dans les couloirs. Ici, sur le palier du premier étage, un meuble d’origine présente animaux naturalisés, squelettes, coquillages, minéraux et pierres.
© Nicolas Pelé – Le lycée Marie-Curie est conçu sur le thème du paquebot : fenêtres octogonales, rambardes métalliques, balcons profilés en forme de coque...
La fontaine de la Cour d’Honneur, aujourd’hui hors service.
© Nicolas Pelé – En haut à gauche, l’horloge octogonale de la Cour d’Honneur. De part et d’autre du carillon sont inscrites les dates de construction : 1932 à 1936. Au premier plan, la fontaine octogonale, aujourd’hui hors service. Après le cartouche octogonal du fronton de l’édifice, cette forme géométrique se retrouve encore ici : l’octogone est décidément un motif récurrent dans l’architecture de la cité scolaire !
© Nicolas Pelé – Le terrain de sport, où l’on pratique notamment football, handball et volley-ball.
© Nicolas Pelé – Les interminables couloirs du lycée.
© Nicolas Pelé – Des batteries antiaériennes allemandes furent installées sur les terrasses lorsque la Cité Scolaire Marie Curie abrita l’état-major de la Luftwaffe durant l’Occupation.
© Nicolas Pelé – Depuis les terrasses, la vue panoramique offre un spectacle unique : le château de Sceaux…
© Nicolas Pelé – …et même la tour Eiffel !

La descente vers les abris

Saviez-vous que sous la Cité Scolaire Marie Curie à Sceaux se cachent des abris souterrains datant des années 1930 ? J’ai eu la chance d’y pénétrer, guidé par Hélène Offret, ancienne élève devenue chercheuse spécialiste de la défense passive, et Chloé Dupart, professeure d’histoire dans l’établissement et présidente de l’association du Musée du lycée.

© Nicolas Pelé – Une porte discrète, un escalier qui plonge sous terre… et une inscription intacte : « FUMER ». Où est passé le « DÉFENSE DE » ? Recouvert par la peinture. Cocasse, car ici, il ne fallait surtout pas fumer…

Une porte discrète s’ouvre sur un escalier plongeant dans les entrailles du bâtiment. Sur le mur, une inscription en lettres noires parfaitement conservée attire l’attention : « FUMER ». Elle date pourtant de plus de 80 ans ! Bien sûr on ne vous incite pas à fumer, mais le « DEFENSE DE » a simplement été recouvert de peinture. Il ne fallait surtout pas fumer dans ces souterrains ! Un vestige du passé, comme ces anciens vestiaires encore marqués d’indications de classe – « 3ᵉ 10 », accompagnées d’un fléchage pointant vers les abris.

© Nicolas Pelé – Inscription « 3e10 » (classe de troisième 10) dans le vestiaire et fléchage vers les abris.

Nous pénétrons ensuite dans un long couloir qui dessert plusieurs pièces : l’un des abris renferme une réserve de mobilier d’époque (mosaïques, vitraux…), un autre conserve du matériel informatique, un troisième abrite le système qui alimentait autrefois la fontaine de la cour — hélas hors service aujourd’hui —, et un quatrième accueille le musée du lycée Marie Curie.

© Nicolas Pelé

Chaque niveau scolaire (troisième, seconde, première…) avait son propre abri. Attention, il ne s’agit pas de bunkers (un terme réservé aux constructions allemandes), mais bien d’abris de défense passive construits par la France dans les années 1930, par crainte d’un nouveau conflit. Finalement, ils n’ont servi qu’à des exercices, entre 1936 et 1940… avant d’être occupés, d’octobre 1940 au 17 août 1944, par la Luftwaffe, qui y établit son quartier général. Des batteries anti-aériennes furent installées sur les terrasses. Lors de la construction du lycée (1932-1936), l’architecte Émile Brunet avait dû intégrer ces abris, conformément à la loi de 1935. Conçus pour les élèves, ils devaient également pouvoir accueillir la population du quartier.

© Nicolas Pelé – Plan des abris de la défense passive de Marie Curie.
© Nicolas Pelé – Cette porte blindée mène à l’abri où se réfugiaient les élèves de troisième. Il accueille désormais la réserve mobilier.
© Nicolas Pelé – Cette porte blindée mène à l’abri où se réfugiaient les élèves de seconde. Il accueille désormais la réserve du matériel informatique.
© Nicolas Pelé – Cette porte blindée mène à l’abri où se réfugiaient les élèves de première. Il accueille désormais le musée de Marie Curie.
© Nicolas Pelé – En ouvrant la porte, on découvre le musée de Marie Curie !

Nous entrons ensuite dans le plus vaste des neuf abris de la cité scolaire, aujourd’hui utilisée comme salle d’archives. Des cartons y renferment les dossiers scolaires des élèves depuis les années 1950. Les plus anciens (datant des années 1930-40) ont été transférés aux archives départementales, faute de place. C’est ici que les élèves — exclusivement des jeunes filles à l’époque — et le personnel se regroupaient avant d’être répartis dans les abris plus petits selon leur niveau scolaire. Hélène nous montre un vestige poignant : un masque à gaz d’époque, toujours conservé avec sa pochette cylindrique en bandoulière. Les élèves devaient l’apporter chaque jour en classe, comme un masque Covid… mais bien plus encombrant !

© Nicolas Pelé – Cartons de dossiers des élèves de l’année 1964 dans la salle des archives.
© Nicolas Pelé – La pochette cylindrique en bandoulière où est rangé le masque à gaz.
© Nicolas Pelé – Un masque à gaz d’époque obligatoire pour chaque élève.
© Nicolas Pelé – Une porte blindée attire l’attention. Fermée depuis 80 ans.
© Nicolas Pelé – Un technicien, opportunément présent, réussit à l’ouvrir… Moment de suspense… et d’émotion pour Chloé Dupart. La salle d’archives s’agrandit, désormais reliée à l’abri mitoyen !
© Nicolas Pelé – Un plan de la Luftwaffe sur lequel figurent des croix gammées, symbole du régime nazi…

Autre découverte passionnante : le musée du lycée Marie Curie. On y trouve une cabane avec des toilettes sèches d’époque (il en reste très peu dans un tel état de conservation), des cartes scolaires des années 1950-60, des casiers… et un mystérieux objet longtemps utilisé comme porte-parapluie. Mais en y regardant de plus près, Hélène et Chloé découvrent qu’il s’agit en réalité d’un conteneur parachuté par l’armée allemande, destiné au transport de vivres, de matériel ou de munitions !

© Nicolas Pelé – Le musée de Marie Curie prend ses quartiers dans un ancien abri réservé aux élèves de première.
© Nicolas Pelé – Les toilettes sèches de l’abri : il en reste très peu dans un tel état de conservation.
© Nicolas Pelé – Ce conteneur largué par l’armée allemande a ensuite servi de porte-parapluie dans les décennies suivant la fin de la guerre, personne n’imaginant qu’il s’agissait d’une relique de l’armée allemande !

En poursuivant l’exploration, nous tombons, au détour d’un couloir, sur de vieux graffitis laissés par les occupants d’autrefois : « 1944 », sans doute gravé par une élève galvanisée par la nouvelle du Débarquement, ou encore « Agents Lakanal », clin d’œil à l’autre grande cité scolaire de Sceaux, où les jeunes filles de Marie Curie avaient trouvé refuge pendant l’Occupation. Quant au fameux souterrain secret qui relierait Marie-Curie à Lakanal… on le cherche encore. Légende urbaine ou réalité ?

© Nicolas Pelé – Inscription « Agents Lakanal », clin d’œil à l’autre grande cité scolaire de Sceaux, où les élèves de Marie Curie ont trouvé refuge pendant toute l’Occupation.
© Nicolas Pelé – Inscription « 1944 », peut-être gravé par un élève inspiré par la nouvelle du débarquement…

Sur les traces de Marie Curie à Sceaux

© Nicolas Pelé – Plaque apposée au 9 Rue Pierre-Curie à Sceaux, à l’époque rue des Sablons, où vivaient Pierre Curie et ses parents.
Les jeunes mariés Pierre et Marie Curie posant à vélo devant la maison des parents de Pierre Curie, point de vue côté sentier des Torques à Sceaux en 1895.
© Nicolas Pelé – La même maison de nos jours.
© Nicolas Pelé – La maison des parents de Pierre Curie, 9 Rue Pierre-Curie à Sceaux en 2025.
© Nicolas Pelé – Maison où vécut Marie Curie rue Jean Mascré à Sceaux. La plaque commémorative, longtemps dissimulée sous le lierre, était peu à peu tombée dans l’oubli… jusqu’au jour où un propriétaire l’a redécouverte par hasard en taillant sa haie !
© Nicolas Pelé – Dans la salle des mariages de la mairie de Sceaux, un buste en bronze de Marie Curie est exposé aux côtés du buste blanc de Marianne.
© Nicolas Pelé – Tombe familiale de Pierre et Marie Curie au cimetière de Sceaux.
© Nicolas Pelé – Les cendres de Pierre et Marie Curie ont été transférées au Panthéon à Paris le 20 avril 1995.

Publié par Nicolas Pelé

Le voyage est la passion de ma vie : chaque départ est une aventure, peu importe la destination, et chaque fois que je prends l'avion, c'est comme la première fois.

2 commentaires sur « La Cité scolaire Marie Curie à Sceaux, des abris souterrains aux terrasses panoramiques »

  1. Bonjour très cher Nicolas, Tu es le sauveur, Merci mille millions de mille fois pour cet article intéressant surtout je fan de Pierre et Marie CURIE, et j’ai visité plusieurs fois leurs musée à Paris, L’école très intéressante, article bien riche : explication, photos, bien réussi, culture générale, histoire, et cerise sur le gâteau : l’humour, voilà, Bon courage à toi et cet article est un trésor de connaissance, Grand merci Nicolas,

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