A la découverte du château de Coucy, l’une des plus belles ruines de France

A 130 km au nord-est de Paris, au cœur du département de l’Aisne, au centre d’un cercle comprenant Laon (à l’est), Chauny (au nord), Noyon (à l’ouest) et Soissons (au sud), se dressent des ruines parmi les plus majestueuses de France. Surnommée alors la Carcassonne du nord, Coucy-le-Château abritait la plus impressionnante forteresse du monde chrétien, dominée par le plus haut donjon d’Occident. C’était un château de géant où tout était surdimensionné !

Magnifiquement restauré par Viollet-le-Duc au XIXème siècle, le monument est malheureusement détruit le 23 mars 1917 par l’armée allemande à l’aide de 38 tonnes d’explosifs. Heureusement, les remparts sont quasi intacts, et les majestueuses ruines de la colossale forteresse de Coucy demeurent féeriques. Difficile d’imaginer que ce site était alors le troisième le plus visité de France après Versailles et le Mont Saint-Michel ! Etonnamment peu connues de nos jours, les grandioses ruines de Coucy offrent à ses visiteurs un cadre très romantique, à l’écart des foules. Un témoignage passionnant du Moyen Âge et de la Première Guerre mondiale.

©Sylvain Prémont – Vue panoramique des vestiges du château de Coucy, niché sur un éperon rocheux dominant de 60 mètres la vallée de l’Ailette, un affluent de l’Oise.
© Nicolas Pelé – Maquette du château de Coucy tel qu’il était en 1652, avant son démantèlement par Mazarin. Eugène Viollet-le-Duc, qui restaure Coucy au XIXème siècle, écrit à propos de ce château XXL : « Tout est colossal dans cette forteresse qui rapetisse l’homme de notre temps. Il semble que les habitants de cette demeure féodale devaient appartenir à une race de géants. »

Un peu d’histoire

C’est l’histoire d’un seigneur genre Godefroy Amaury de Malefète, comte de Montmirail, d’Apremont et de Papincourt. Mais contrairement au héros des Visiteurs, le sire de Coucy, Enguerrand III, n’a pas comme surnom le hardi, mais le bâtisseur, et on comprend pourquoi. Lui qui voulait être plus puissant que le roi, son cousin Philippe Auguste, il construisit une forteresse colossale, abritant un donjon presque deux fois plus haut que celui du Louvre, flanqué de quatre tours au moins aussi imposantes que le donjon du Louvre. Un contemporain écrit : « J’ai vu la forteresse la plus solide du monde, le château admirable de Coucy. »

Bref, Enguerrand, seigneur mégalo qui avait un léger problème d’égo, a fait de ce château une forteresse plus grande, plus majestueuse, plus imposante que celle du roi de France. A ses côtés, il participe à la victorieuse et mythique bataille de Bouvines (près de Lille) en 1214, acte fondateur du sentiment national français, mais aussi à la croisade contre les Cathares. Son cri de guerre n’était pas « Montjoie ! Saint Denis ! » comme Godefroy le Hardi, mais « Coucy à la merveille ! ». En effet, quelle merveille que ce château de Coucy ! Quant à sa devise, la voici : « Roi ne suis, ni prince, ni duc, ni comte aussi. Je suis le sire de Coucy ». Toujours est-il qu’il mourut bêtement, transpercé par son épée en chutant de cheval… Sa fille Marie de Coucy devint reine d’Ecosse.

Le château de Coucy le 22 mars 1917, dominé par le plus haut donjon d’Occident, 57 mètres de haut, pratiquement le double de celui du Louvre (aussi bien en hauteur qu’en largeur), flanqué de ses quatre tours d’angles, dont chacune équivalait, à elle seule, au donjon du Louvre… Viollet-le-Duc, qui le restaura au XIXème siècle déclara :« Auprès de ce donjon, les plus grosses tours connues en France, en Allemagne ou en Italie ne sont que des fuseaux ».
Le château de Coucy le 23 mars 1917, anéanti par les Allemands qui n’ont pas lésiné sur la dynamite (38 tonnes). Il aura fallu 28 tonnes rien que pour détruire le donjon. Dix autres tonnes eurent raison des quatre autres tours. Un soldat témoigne :« Le château de Coucy vient de sauter. 1ère explosion à 10h45 : toute l’aile droite du château s’effondre. 2ème explosion à 10h50 : toute l’aile gauche disparait. »

C’est Clovis, premier roi des Francs (souvenez-vous du vase de Soissons, à seulement 20 km au sud de Coucy), qui donna cette terre à l’évêque saint Remi, celui-là même qui l’avait baptisé à Reims en 496 (raison pour laquelle la France est la fille ainée de l’Eglise). Ce sont donc les archevêques de Reims qui ont fondé le premier château de Coucy, en 920. A l’époque, il s’agissait d’une motte castrale avec une tour en bois, édifiée sur un promontoire.

Du XIème au XIVème siècle, la puissante dynastie des Enguerrand, plus connue sous le nom de sires de Coucy, règne sur ce splendide domaine bâti sur un éperon rocheux. Vers 1380, Enguerrand VII de Coucy, dernier de la longue lignée des seigneurs de l’Aisne, transforme le château en un somptueux palais seigneurial de style gothique. Il y fait notamment construire la salle des Preux, une salle d’honneur et de réception qui lui permettait d’afficher sa puissance. La salle des Preuses et la chapelle sont parées de magnifiques vitraux.

© Nicolas Pelé – Le château de Coucy occupe l’extrémité d’un promontoire rocheux calcaire dominant de 60 mètres la vallée de l’Ailette, un affluent de l’Oise. Le panorama est splendide, s’étendant à perte de vue sur 40 km à la ronde, de Noyon à Chauny et de Compiègne à Laon !
© Nicolas Pelé – C’est dans ce bois que l’on admire du haut des remparts que se trouvait le canon de Coucy-le-Château. Il fut longtemps confondu avec la fameuse Grosse Bertha, issue des mêmes usines Krupp, qui terrorisa les Parisiens en 1918 en tirant des obus de 140 kg, faisant 256 morts. Le canon de Coucy, de plus petit calibre, a disparu mais il reste encore la plateforme de tir, en accès libre dans la forêt. Il avait tout de même une portée de 40 kilomètres, un tube de 17 mètres de long, et tirait sur Compiègne et Villers-Cotterêts. 

Après la mort d’Enguerrand VII en Terre sainte, lors des croisades, sa fille aînée, Marie, hérite du château, mais préfère s’en séparer en échange d’un joli chèque, ou plutôt d’un sac rempli d’or. C’est ainsi qu’en 1400, Louis d’Orléans, duc du Valois, fils du roi Charles V, devient propriétaire du château. On lui doit la construction du château de Pierrefonds en 1397 et les cuisines, découvertes dans la basse-cour en 2018. Mais il faudra attendre le règne de son petit-fils Louis XII pour que le domaine de Coucy soit rattaché à la couronne royale en 1498.

Pendant La Fronde, en 1652, le gouverneur de Coucy refuse de restituer la forteresse à Louis XIV. La sanction est radicale et immédiate : Mazarin ordonne le démantèlement du château fort. Ce dernier est tellement imposant qu’il ne se passe en réalité pas grand-chose. Le coup du sort s’acharne si bien qu’un tremblement de terre (en Picardie ? Et oui !) endommage fortement plusieurs tours de la forteresse en 1692. A la Révolution, période la plus catastrophique pour notre patrimoine, le monument comme tant d’autres sert de carrière de pierres…

Mais ce sont bien les Allemands qui se chargeront de donner le coup de grâce à coup d’explosifs en mars 1917 et ce coup-ci fut fatal au château de Coucy et à son gigantesque donjon, qui avait avait résisté pendant 700 ans aux guerres, séismes et autres calamités. C’est donc en vain que le célèbre architecte Eugène Viollet-le-Duc avait rendu son éclat au château de Coucy, comme il marqua de sa géniale empreinte les cathédrales de Notre Dame de Paris et Notre Dame de l’Assomption de Clermont-Ferrand, ainsi que le château de Pierrefonds et la cité de Carcassonne. En dépit de leur folie destructrice, nos cousins germains ont eu l’amabilité de ne pas toucher aux remparts ainsi qu’aux 33 tours des murailles de la plus grande place forte de l’occident médiéval.

Comme de nombreuses communes françaises qui ont fini par réunir deux villes voisines (Clermont-Ferrand, Saint-Gilles-Croix-de-Vie, etc…), l’usage fait que l’on a tendance à oublier la deuxième partie. On parle donc abusivement de Coucy, mais le nom complet de ce charmant village médiéval est bien Coucy-le-Château-Auffrique. En 1921, la commune de Coucy-le-Château (la ville haute) absorba celle d’Auffrique-et-Nogent (la ville basse), vocable qui n’a rien à voir avec l’Afrique. Classé monument historique en 1962, le château de Coucy est géré par le Centre des monuments nationaux.

Le donjon de Coucy, merveille de l’occident médiéval

Tout comme Rhodes avait son colosse, l’une des sept merveilles du monde antique, Coucy aussi avait son colosse, merveille du monde médiéval, comme le Mont Saint-Michel. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 54 mètres de haut, 31 mètres de diamètre (plus du double du donjon royal du Louvre et ses 15 mètres de diamètre), avec des murs épais de 7,50 mètres ! Ce chef-­d’œuvre de l’architecture féodale aurait été détruit par les Allemands pour son rôle stratégique de tour d’observation. Rien n’est moins sûr et certains estiment que ce fut un acte gratuit et barbare visant seulement à choquer le sentiment national français.

A son sommet, on pouvait dit-on apercevoir la cathédrale de Laon (ce qui est probable) ainsi que la basilique de Saint-Quentin (ce qui l’est moins). Hélas, le donjon n’étant plus, on ne peut plus vérifier la véracité de ces informations… En 1931, le Président de la République Paul Doumer décida que ce puissant édifice mutilé par l’ennemi reste en l’état comme « témoin de la barbarie du peuple Allemand ». Depuis, des pétitions circulent régulièrement, demandant la reconstruction du donjon.

Achevée en 1370, le donjon de Vincennes détient donc depuis 1917 le titre de plus haut donjon d’Europe (grâce aux Allemands), culminant à 50 mètres, 4 mètres de moins que celui de Coucy. 130 ans plus tard, le roi de France Charles V n’avait donc pas réussi à faire mieux que le sire de Coucy…

Le roi de France Philippe Auguste devait avoir un léger complexe d’infériorité en comparant son donjon du Louvre avec celui de son cousin, sire de Coucy !
© Nicolas Pelé – Ce monceau de pierres moussues est tout ce qu’il reste du plus haut donjon d’Occident, chef-­d’œuvre de l’architecture féodale. Les cerclages de fer que Viollet-le-Duc avait fait poser au XIXème siècle pour le consolider sont toujours présents au milieu des débris.

Le long des remparts de la Carcassonne du Nord

© Vincent Colin / Agence Aisne Tourisme – Les imposants remparts de Coucy-le-Château, percés de trois portes fortifiées et flanqués de 33 tours, sont intactes, et s’étendent sur près de 3 km ! Un site superbe justifiant à lui seul le cri de guerre des sires de Coucy : « Coucy à la Merveille ! ».

© Julien Loize / © Sylvain Prémont / Agence Aisne Tourisme – Un sentier fait le tour des remparts, l’occasion d’une balade très agréable le long du chemin de ronde, offrant un panorama splendide.

Le cri de guerre des puissants sires de Coucy n’est pas usurpé : leur forteresse est bien une merveille ! Comme dans toute ville médiévale qui se respecte, on entre par une porte fortifiée. Il en reste trois à Coucy-le-Château-Auffrique : la Porte de Laon, la plus imposante, la Porte de Chauny, la mieux conservée, et la Porte de Soissons, qui abrite le musée de la ville. Les Allemands n’ont pas épargné ces trois portes, mais ils ont utilisé de plus petites charges, ce qui a permis de limiter les dégâts.

© Nicolas Pelé – L’arrivée par la majestueuse Porte de Laon (ville située à 25 km au nord-est de Coucy) donne le ton : nous rentrons dans une autre époque ! La plus grande des portes de Coucy fait la même taille que la grande porte sud de la cité de Carcassonne. Ses deux tours de cinq étages abritaient le tribunal. Défendue par un pont-levis, un fossé et une double herse, c’était un véritable petit château en soi !
© Nicolas Pelé – La porte de Chauny est la plus petite mais la mieux conservée des trois portes de Coucy-le-Château.
© Vincent Colin / Agence Aisne Tourisme – La Porte de Soissons abrite le musée de la ville.
© Nicolas Pelé – Longtemps appelée Tour Truande, car jouxtant la rue éponyme, elle s’appelle désormais Tour Quarrée, même si elle a du mal à se défaire de son ancien nom… Il faut dire qu’elle n’est pas vraiment carrée… Truand sonne pas mal, notamment quand on imagine la bouche (la porte) et les yeux (les deux fentes au-dessus). Difficile à croire, mais cette tour médiévale du XIIIème siècle située à deux pas de la Tour de Laon est habitée, et son salon abrite un pavement de céramique d’époque totalement conservé !

14 hectares (contre 7 pour Carcassonne), 2,5 kilomètres de remparts (contre 3 pour Carcassonne), 33 tours (contre 52 à Carcassonne), Coucy-le-Château n’a pas trop à rougir de la comparaison avec son illustre concurrente du sud, classée à l’UNESCO. Elle a plus ou moins la même dimension que la citadelle de Laon, le plus vaste secteur sauvegardé de France, à seulement 25 km au nord-est de Coucy.

©Sylvain Prémont – Les murailles de Coucy-le-Château, la Carcassonne du Nord.
© Nicolas Pelé – Les chèvres sont chez elles dans les remparts de Coucy. Il y en a près de 80, véritables mascottes de Coucy !
© Nicolas Pelé – Ce ne sont pas les Allemands qui ont détruit cette tour mais le tremblement de terre de 1692. Comme quoi, on est étonné d’apprendre que l’Aisne est une région à risque sismique !
© Nicolas Pelé – En témoignage du passé vinicole de la cité, l’office de tourisme de Coucy a planté en 1996 ces pieds de vigne sur les côteaux de l’escarpement orientés au sud.
© Nicolas Pelé – Dans ces tribunes se joue tous les vendredis et samedis de juillet le spectacle médiéval et fantastique Coucy la Merveille, présenté par l’AMVCC (l’Association de Mise en Valeur du Château de Coucy), qui restaure le site sans relâche. Grâce à ce son et lumière, 300 bénévoles nous font revivre durant trois heures le prestigieux passé de Coucy-le-Château. Au programme, danses médiévales, combats de chevaliers, joutes, numéros d’équilibristes et de cracheurs de feu.
© Nicolas Pelé – Ce porche d’entrée flanqué de deux lions criblés d’impacts de balles est tout ce qu’il reste de la maison du gouverneur de Coucy, où naquit César. Pas Jules, mais le fils bâtard de Henri IV et sa maitresse Gabrielle d’Estrées, le 7 juin 1594. Pendant la Fronde, en 1652, le gouverneur de Coucy refuse de restituer la forteresse à Louis XIV. Pour le punir, Mazarin fait démanteler le château fort. Ce dernier est tellement imposant qu’il n’est que partiellement détruit. Les Allemands se chargeront d’achever le travail en 1917…
© Nicolas Pelé – Face à la maison du Gouverneur, le monument aux morts de Coucy-le-Château-Auffrique est original. L’épée remplace le fusil, et il rend hommage aux soldats descendants des preux chevaliers et sires de Coucy.
© Nicolas Pelé – Dans le jardin de la maison du Gouverneur, face à l’hôtel de Ville de Coucy-le-Château-Auffrique, ce n’est pas un puits mais une reconstitution qui en prend la forme, en utilisant l’authentique clé de voûte du donjon de Coucy, qui dominait l’Occident du haut de ses 57 mètres. Voici tout ce qu’il en reste, avec l’amas de gravats dans les ruines du château.
© Nicolas Pelé – Sur le chemin de ronde accessible au fond du jardin, on retrouve des éléments du carrelage du salon du Gouverneur.
© Nicolas Pelé – Depuis le jardin de la maison du Gouverneur, le chemin de ronde nous mène jusqu’à l’église médiévale Saint-Sauveur de Coucy, édifiée au XIIème siècle, détruite en partie comme 98% de Coucy le Château par les Allemands en 1917, et entièrement restaurée entre les deux guerres. Ici, on voit bien comment les remparts encerclent le chœur de l’église, orienté à l’est comme toujours. Notez que le chœur et le transept sont d’origine, ayant échappé à la destruction, tout comme les fonds baptismaux en marbre.
© Nicolas Pelé – Le chœur de l’église surplombe le jardin médiéval des sires de Coucy, côte est donc, orienté vers l’Orient d’où les sires de Coucy ramenèrent des croisades la rose de Damas.
© Nicolas Pelé – Cette effrayante gargouille veille sur le jardin médiéval des sires de Coucy.
© Nicolas Pelé – Contournant l’église, les remparts de Coucy-le-Château-Auffrique poursuivent leur chemin de ronde à perte de vue !
© Nicolas Pelé – Le site apparait dans toute sa splendeur et son immensité !
© Nicolas Pelé – Ce charmant village médiéval regorge de venelles et ruelles bien conservées. Ici, menant à l’église Saint-Sauveur. A droite, c’est le mur d’enceinte d’origine, datant du XIIème siècle.
© Vincent Colin / Agence Aisne Tourisme – La belle façade de l’église romane Saint-Sauveur de Coucy-le-Château-Auffrique, originale avec sa structure à trois nefs.
Rasée en 1917 comme 98% de la ville et une bonne partie de l’Aisne, l’église du XIIème siècle a été reconstruite à l’identique entre les deux guerres, sur la carcasse de l’édifice originel, le chœur et le transept d’origine ayant été épargnés, tout comme les fonds baptismaux en marbre.

Dans les ruines de la haute-cour

© Nicolas Pelé – Base de l’une des quatre tours du château de Coucy.
© Nicolas Pelé – Cet escalier plongeant dans les entrailles du château mène aux immenses caves voûtées, aux oubliettes et aux cachots.
© Nicolas Pelé – Cette clé de voûte, située dans l’une des tours du château en ruine, n’est plus à sa place.
© Nicolas Pelé – Ce qui n’empêche pas l’édifice de tenir debout !
© Nicolas Pelé – Dans cet autre tour du château de Coucy, la clé de voûte est bien en place.

Dans la salle des Preux, l’une des plus grandes salles d’apparat de l’époque médiévale, on pouvait admirer placées dans des niches les neuf statues des neuf héros guerriers qui incarnaient l’idéal chevaleresque de l’Europe médiévale. Parmi ces neuf preux, on retrouvait trois héros païens (Hector, Alexandre le Grand et Jules César), trois héros bibliques (Josué le successeur de Moïse, le dirigeant juif Judas Maccabée ainsi que le roi David, qui triompha du géant Goliath) et trois héros chrétiens (le roi Arthur, l’empereur Charlemagne et le héros de la première croisade Godefroy de Bouillon). On en retrouve dans les jeux de cartes : Charlemagne est le roi de cœur, César le roi de carreau, Alexandre le roi de trèfle et David le roi de Pique. Le troyen Hector est devenu le valet de carreau. Les neuf tours du château de Pierrefonds, construit en 1393 par Louis d’Orléans, portaient chacune le nom d’un Preux. Au XIXème siècle, Viollet-le-Duc reprend le thème des neuf Preux lors de la restauration du château de Pierrefonds.

© Nicolas Pelé – La salle des Preux. Hélas, il ne reste plus rien de l’autre chef-d’œuvre du château de Coucy : la chapelle seigneuriale, célèbre dans tout l’Occident chrétien pour la beauté de ses vitraux.

A côté de la salle des Preux, au premier étage du logis seigneurial, se trouvait son pendant féminin, la salle des Preuses. Elle tient son nom d’une cheminée monumentale aménagée sous Enguerrand VII de Coucy vers 1387 et ornée des statues des neuf héroïnes, dont Sémiramis, reine de Babylone, ainsi que plusieurs reines des Amazones. Cette cheminée inspira celle du château de Pierrefonds, construit sous l’égide de Louis d’Orléans à partir de 1396, puis totalement reconstruite par Viollet-le-Duc au XIXème siècle. Rendez-vous donc au château de Pierrefonds (à seulement 40 km au sud-ouest de Coucy) pour admirer cette cheminée telle qu’elle était au château de Coucy au XIVème siècle !

© Nicolas Pelé – La salle des Preuses se trouvait à l’étage du logis seigneurial.

Lire les ruines du château de Coucy dans la basse-cour

Malheureusement, il ne reste plus grand chose de l’une des plus imposantes forteresses de l’Occident médiéval, hormis de majestueuses ruines. C’est pourquoi le visiteur, muni de son carnet de l’archéologue, explore les lieux, observe les traces et nombreux indices laissés sur place afin d’imaginer à quoi ressemblait le château de Coucy au temps de sa splendeur. La basse-cour centrale, qui abritait au Moyen Âge le bourg castral, est un fantastique terrain de jeu pour les archéologues !

L’ancien village du temps d’Enguerrand III a disparu, comblée par trois mètres de remblais au XVIème siècle par le roi Henri II, mais il en reste de nombreux vestiges : fondations de l’église paroissiale, cuisine du duc Louis d’Orléans, maisons, abreuvoirs, cheminées… Les marques (tâcherons) laissées sur les pierres par les artisans ont permis aux archéologues de prouver que ce sont les mêmes équipes qui ont travaillé sur les chantiers du château de Pierrefonds et de la cathédrale de Soissons, et c’étaient les meilleurs de l’époque !

© Nicolas Pelé – Muni de son carnet de l’archéologue, on part à la recherche des secrets du château de Coucy.
© Nicolas Pelé – On dirait un terrain de football, mais les enfants qui la parcourent en courant comprennent rapidement que ce n’est pas droit ! Cette basse-cour en relief est une mine d’or pour les archéologues, car dès que l’on creuse, on trouve des trésors : une église, une cuisine… Coucy-le-Château est un livre d’histoire passionnant pour étudier le Moyen Âge et la Première Guerre Mondiale.
© Nicolas Pelé – Ruines de l’église romane de Saint-Remy, au milieu de la basse-cour. Ces vestiges du XIIème siècle ont été mis à jour par Viollet-le-Duc au XIXème siècle. C’était l’église des habitants du bourg castral, qui fut détruit au XVIème siècle.
© Nicolas Pelé – Les anciennes cuisines du château, datant de 1403, furent découvertes en 2018 lors de fouilles archéologiques sous le talus central, qui doit certainement abriter d’autres trésors. On aperçoit à droite l’une des deux grandes cheminées de cette cuisine qui était voûtée d’ogives. En observant bien, on remarque où se trouvaient la porte, les fenêtres, etc… C’étaient les cuisines de Louis d’Orléans, fils du roi Charles V. On lui doit la construction du château de Pierrefonds en 1397 et donc les cuisines du château de Coucy, dont il devient propriétaire en 1400.
© Nicolas Pelé – Ici, on aperçoit deux arches, une ouverture en haut à droite et une porte en bas à droite. Les archéologues ont effectué un sondage et ont découvert un mur carolingien du IXème siècle. Le château a ainsi vieilli de 300 ans grâce à cette découverte ! L’Histoire n’est pas figée, les dates changent selon ce que dévoilent les fouilles archéologiques.
© Nicolas Pelé – En observant ce mur, on en déduit l’emplacement de la cheminée, qui a laissé sa trace. Quant aux carrés noirs, ils indiquent l’endroit où se trouvaient les poutres soutenant le plancher.
© Nicolas Pelé – Sur cet autre mur, c’est le toit d’une maison qui a laissé son empreinte.
© Nicolas Pelé – Le visiteur est amené à manipuler les différentes unités de mesures utilisées jadis : la coudée, le pied (33 cm), la paume, la palme et l’empan (espace entre l’extrémité du pouce et du petit doigt de la main ouverte, soit près de 20 cm). L’occasion de redécouvrir de passionnantes notions de constructions utilisées ici au Moyen Âge : le théorème de Pythagore, le nombre pi découvert par Archimède, ou encore le nombre d’or, désigné par la lettre grecque phi en hommage au sculpteur grec Phidias, qui décora le Parthénon à Athènes au Vème siècle avant J.C.
© Nicolas Pelé – Coucy abrite la deuxième plus grande collection de carreau de pavement du XIVème siècle, représentant des archers, des cerfs, etc… Ils sont gérés par le CMN, le Centre des Monuments Nationaux.
© Nicolas Pelé – Au Moyen Âge, les tailleurs de pierre étaient payés à la tâche, c’est-à-dire à la pierre. Pour percevoir leur salaire, ils marquaient chaque pierre d’un signe distinctif : une marque appelée tâcheron. Ce repère gravé sur les blocs servait ensuite à connaitre le nombre de pierres taillées, afin de rémunérer en conséquence l’artisan. On distingue également d’autres motifs, mais ce sont des fossiles de 45 millions d’années, quand une mer chaude recouvrait la région.
© Nicolas Pelé – On peut lire sur ce morceau de mur à l’entrée de la basse-cour : « C’est ici que le Tigre s’est soulagé la vessie le 8 juillet 1918. L’herbe ne repousse plus ». On ordonna en 1919 d’effacer cette inscription irrespectueuse envers le président du Conseil Georges Clemenceau, père de la Victoire, mais tout n’a pas été complètement effacé…

Publié par Nicolas Pelé

Le voyage est la passion de ma vie : chaque départ est une aventure, peu importe la destination, et chaque fois que je prends l'avion, c'est comme la première fois.

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