A 130 km au nord-est de Paris, au cœur du département de l’Aisne, au centre d’un cercle comprenant Laon (à l’est), Chauny (au nord), Noyon (à l’ouest) et Soissons (au sud), se dressent des ruines parmi les plus majestueuses de France. Surnommée alors la Carcassonne du nord, Coucy-le-Château abritait la plus impressionnante forteresse du monde chrétien, dominée par le plus haut donjon d’Occident. C’était un château de géant où tout était surdimensionné !
Magnifiquement restauré par Viollet-le-Duc au XIXème siècle, le monument est malheureusement détruit le 23 mars 1917 par l’armée allemande à l’aide de 38 tonnes d’explosifs. Heureusement, les remparts sont quasi intacts, et les majestueuses ruines de la colossale forteresse de Coucy demeurent féeriques. Difficile d’imaginer que ce site était alors le troisième le plus visité de France après Versailles et le Mont Saint-Michel ! Etonnamment peu connues de nos jours, les grandioses ruines de Coucy offrent à ses visiteurs un cadre très romantique, à l’écart des foules. Un témoignage passionnant du Moyen Âge et de la Première Guerre mondiale.
C’est l’histoire d’un seigneur genre Godefroy Amaury de Malefète, comte de Montmirail, d’Apremont et de Papincourt. Mais contrairement au héros des Visiteurs, le sire de Coucy, Enguerrand III, n’a pas comme surnom le hardi, mais le bâtisseur, et on comprend pourquoi. Lui qui voulait être plus puissant que le roi, son cousin Philippe Auguste, il construisit une forteresse colossale, abritant un donjon presque deux fois plus haut que celui du Louvre, flanqué de quatre tours au moins aussi imposantes que le donjon du Louvre. Un contemporain écrit : « J’ai vu la forteresse la plus solide du monde, le château admirable de Coucy. »
Bref, Enguerrand, seigneur mégalo qui avait un léger problème d’égo, a fait de ce château une forteresse plus grande, plus majestueuse, plus imposante que celle du roi de France. A ses côtés, il participe à la victorieuse et mythique bataille de Bouvines (près de Lille) en 1214, acte fondateur du sentiment national français, mais aussi à la croisade contre les Cathares. Son cri de guerre n’était pas « Montjoie ! Saint Denis ! » comme Godefroy le Hardi, mais « Coucy à la merveille ! ». En effet, quelle merveille que ce château de Coucy ! Quant à sa devise, la voici : « Roi ne suis, ni prince, ni duc, ni comte aussi. Je suis le sire de Coucy ». Toujours est-il qu’il mourut bêtement, transpercé par son épée en chutant de cheval… Sa fille Marie de Coucy devint reine d’Ecosse.
Le château de Coucy le 22 mars 1917, dominé par le plus haut donjon d’Occident, 57 mètres de haut, pratiquement le double de celui du Louvre (aussi bien en hauteur qu’en largeur), flanqué de ses quatre tours d’angles, dont chacune équivalait, à elle seule, au donjon du Louvre…Viollet-le-Duc, qui le restaura au XIXème siècle déclara :« Auprès de ce donjon, les plus grosses tours connues en France, en Allemagne ou en Italie ne sont que des fuseaux ».Le château de Coucy le 23 mars 1917, anéanti par les Allemands qui n’ont pas lésiné sur la dynamite (38 tonnes).Il aura fallu 28 tonnes rien que pour détruire le donjon. Dix autres tonnes eurent raison des quatre autres tours.Un soldat témoigne :« Le château de Coucy vient de sauter. 1ère explosion à 10h45 : toute l’aile droite du château s’effondre. 2ème explosion à 10h50 : toute l’aile gauche disparait. »
C’est Clovis, premier roi des Francs (souvenez-vous du vase de Soissons, à seulement 20 km au sud de Coucy), qui donna cette terre à l’évêque saint Remi, celui-là même qui l’avait baptisé à Reims en 496 (raison pour laquelle la France est la fille ainée de l’Eglise). Ce sont donc les archevêques de Reims qui ont fondé le premier château de Coucy, en 920. A l’époque, il s’agissait d’une motte castrale avec une tour en bois, édifiée sur un promontoire.
Du XIème au XIVème siècle, la puissante dynastie des Enguerrand, plus connue sous le nom de sires de Coucy, règne sur ce splendide domaine bâti sur un éperon rocheux. Vers 1380, Enguerrand VII de Coucy, dernier de la longue lignée des seigneurs de l’Aisne, transforme le château en un somptueux palais seigneurial de style gothique. Il y fait notamment construire la salle des Preux, une salle d’honneur et de réception qui lui permettait d’afficher sa puissance. La salle des Preuses et la chapelle sont parées de magnifiques vitraux.
Après la mort d’Enguerrand VII en Terre sainte, lors des croisades, sa fille aînée, Marie, hérite du château, mais préfère s’en séparer en échange d’un joli chèque, ou plutôt d’un sac rempli d’or. C’est ainsi qu’en 1400, Louis d’Orléans, duc du Valois, fils du roi Charles V, devient propriétaire du château. On lui doit la construction du château de Pierrefonds en 1397 et les cuisines, découvertes dans la basse-cour en 2018. Mais il faudra attendre le règne de son petit-fils Louis XII pour que le domaine de Coucy soit rattaché à la couronne royale en 1498.
Pendant La Fronde, en 1652, le gouverneur de Coucy refuse de restituer la forteresse à Louis XIV. La sanction est radicale et immédiate : Mazarin ordonne le démantèlement du château fort. Ce dernier est tellement imposant qu’il ne se passe en réalité pas grand-chose. Le coup du sort s’acharne si bien qu’un tremblement de terre (en Picardie ? Et oui !) endommage fortement plusieurs tours de la forteresse en 1692. A la Révolution, période la plus catastrophique pour notre patrimoine, le monument comme tant d’autres sert de carrière de pierres…
Mais ce sont bien les Allemands qui se chargeront de donner le coup de grâce à coup d’explosifs en mars 1917 et ce coup-ci fut fatal au château de Coucy et à son gigantesque donjon, qui avait avait résisté pendant 700 ans aux guerres, séismes et autres calamités. C’est donc en vain que le célèbre architecte Eugène Viollet-le-Duc avait rendu son éclat au château de Coucy, comme il marqua de sa géniale empreinte les cathédrales de Notre Dame de Paris et Notre Dame de l’Assomption de Clermont-Ferrand, ainsi que le château de Pierrefonds et la cité de Carcassonne. En dépit de leur folie destructrice, nos cousins germains ont eu l’amabilité de ne pas toucher aux remparts ainsi qu’aux 33 tours des murailles de la plus grande place forte de l’occident médiéval.
Comme de nombreuses communes françaises qui ont fini par réunir deux villes voisines (Clermont-Ferrand, Saint-Gilles-Croix-de-Vie, etc…), l’usage fait que l’on a tendance à oublier la deuxième partie. On parle donc abusivement de Coucy, mais le nom complet de ce charmant village médiéval est bien Coucy-le-Château-Auffrique. En 1921, la commune de Coucy-le-Château (la ville haute) absorba celle d’Auffrique-et-Nogent (la ville basse), vocable qui n’a rien à voir avec l’Afrique. Classé monument historique en 1962, le château de Coucy est géré par le Centre des monuments nationaux.
Le donjon de Coucy, merveille de l’occident médiéval
Tout comme Rhodes avait son colosse, l’une des sept merveilles du monde antique, Coucy aussi avait son colosse, merveille du monde médiéval, comme le Mont Saint-Michel. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 54 mètres de haut, 31 mètres de diamètre (plus du double du donjon royal du Louvre et ses 15 mètres de diamètre), avec des murs épais de 7,50 mètres ! Ce chef-d’œuvre de l’architecture féodale aurait été détruit par les Allemands pour son rôle stratégique de tour d’observation. Rien n’est moins sûr et certains estiment que ce fut un acte gratuit et barbare visant seulement à choquer le sentiment national français.
A son sommet, on pouvait dit-on apercevoir la cathédrale de Laon (ce qui est probable) ainsi que la basilique de Saint-Quentin (ce qui l’est moins). Hélas, le donjon n’étant plus, on ne peut plus vérifier la véracité de ces informations… En 1931, le Président de la République Paul Doumer décida que ce puissant édifice mutilé par l’ennemi reste en l’état comme « témoin de la barbarie du peuple Allemand ». Depuis, des pétitions circulent régulièrement, demandant la reconstruction du donjon.
Achevée en 1370, le donjon de Vincennes détient donc depuis 1917 le titre de plus haut donjon d’Europe (grâce aux Allemands), culminant à 50 mètres, 4 mètres de moins que celui de Coucy. 130 ans plus tard, le roi de France Charles V n’avait donc pas réussi à faire mieux que le sire de Coucy…
Le cri de guerre des puissants sires de Coucy n’est pas usurpé : leur forteresse est bien une merveille ! Comme dans toute ville médiévale qui se respecte, on entre par une porte fortifiée. Il en reste trois à Coucy-le-Château-Auffrique : la Porte de Laon, la plus imposante, la Porte de Chauny, la mieux conservée, et la Porte de Soissons, qui abrite le musée de la ville. Les Allemands n’ont pas épargné ces trois portes, mais ils ont utilisé de plus petites charges, ce qui a permis de limiter les dégâts.
14 hectares (contre 7 pour Carcassonne), 2,5 kilomètres de remparts (contre 3 pour Carcassonne), 33 tours (contre 52 à Carcassonne), Coucy-le-Château n’a pas trop à rougir de la comparaison avec son illustre concurrente du sud, classée à l’UNESCO. Elle a plus ou moins la même dimension que la citadelle de Laon, le plus vaste secteur sauvegardé de France, à seulement 25 km au nord-est de Coucy.
Dans la salle des Preux, l’une des plus grandes salles d’apparat de l’époque médiévale, on pouvait admirer placées dans des niches les neuf statues des neuf héros guerriers qui incarnaient l’idéal chevaleresque de l’Europe médiévale. Parmi ces neuf preux, on retrouvait trois héros païens (Hector, Alexandre le Grand et Jules César), trois héros bibliques (Josué le successeur de Moïse, le dirigeant juif Judas Maccabée ainsi que le roi David, qui triompha du géant Goliath) et trois héros chrétiens (le roi Arthur, l’empereur Charlemagne et le héros de la première croisade Godefroy de Bouillon). On en retrouve dans les jeux de cartes : Charlemagne est le roi de cœur, César le roi de carreau, Alexandre le roi de trèfle et David le roi de Pique. Le troyen Hector est devenu le valet de carreau. Les neuf tours du château de Pierrefonds, construit en 1393 par Louis d’Orléans, portaient chacune le nom d’un Preux. Au XIXème siècle, Viollet-le-Duc reprend le thème des neuf Preux lors de la restauration du château de Pierrefonds.
A côté de la salle des Preux, au premier étage du logis seigneurial, se trouvait son pendant féminin, la salle des Preuses. Elle tient son nom d’une cheminée monumentale aménagée sous Enguerrand VII de Coucy vers 1387 et ornée des statues des neuf héroïnes, dont Sémiramis, reine de Babylone, ainsi que plusieurs reines des Amazones. Cette cheminée inspira celle du château de Pierrefonds, construit sous l’égide de Louis d’Orléans à partir de 1396, puis totalement reconstruite par Viollet-le-Duc au XIXème siècle. Rendez-vous donc au château de Pierrefonds (à seulement 40 km au sud-ouest de Coucy) pour admirer cette cheminée telle qu’elle était au château de Coucy au XIVème siècle !
Lire les ruines du château de Coucy dans la basse-cour
Malheureusement, il ne reste plus grand chose de l’une des plus imposantes forteresses de l’Occident médiéval, hormis de majestueuses ruines. C’est pourquoi le visiteur, muni de son carnet de l’archéologue, explore les lieux, observe les traces et nombreux indices laissés sur place afin d’imaginer à quoi ressemblait le château de Coucy au temps de sa splendeur. La basse-cour centrale, qui abritait au Moyen Âge le bourg castral, est un fantastique terrain de jeu pour les archéologues !
L’ancien village du temps d’Enguerrand IIIa disparu, comblée par trois mètres de remblais au XVIème siècle par le roi Henri II, mais il en reste de nombreux vestiges : fondations de l’église paroissiale, cuisine du duc Louis d’Orléans, maisons, abreuvoirs, cheminées… Les marques (tâcherons) laissées sur les pierres par les artisans ont permis aux archéologues de prouver que ce sont les mêmes équipes qui ont travaillé sur les chantiers du château de Pierrefonds et de la cathédrale de Soissons, et c’étaient les meilleurs de l’époque !
Le voyage est la passion de ma vie : chaque départ est une aventure, peu importe la destination, et chaque fois que je prends l'avion, c'est comme la première fois.
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2 commentaires sur « A la découverte du château de Coucy, l’une des plus belles ruines de France »
nices!! 13A la découverte du château de Coucy, l’une des plus belles ruines de France
nices!! 13A la découverte du château de Coucy, l’une des plus belles ruines de France
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Quel gâchis Mazarin avait abandonné les allemands on continé acte gratuit sans but stratégique
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