Croyants ou non, pèlerins, amoureux de la nature, randonneurs, amateurs d’ésotérisme, passionnés d’histoire et d’archéologie, les raisons d’une visite au Mont Sainte-Odile sont nombreuses ! Culminant à 753 mètres d’altitude, ce sommet vosgien dominant la plaine d’Alsace sert d’écrin à la majestueuse abbaye de Hohenbourg. Un lieu sacré rempli de mystères, mythes et légendes, qui attire les visiteurs depuis plus de 1 300 ans !

On l’oublie bien souvent, mais l’Alsace ne se limite pas à sa plaine et aux villes de Strasbourg, Mulhouse et Colmar ! Elle occupe aussi une partie du massif des Vosges, où se trouve l’un de ses joyaux : le sanctuaire du mont Sainte-Odile, niché à 753 mètres d’altitude. Un site naturel grandiose entouré de montagnes boisées, dominant la plaine d’Alsace et la vallée du Rhin. Par beau temps, le panorama s’étend jusqu’aux crètes de la Forêt-Noire allemande ! Paradis des randonneurs, le Mont Sainte-Odile accueille des pèlerins depuis le Moyen-Âge, venus se recueillir devant le tombeau d’Odile, sainte patronne de l’Alsace, qui fit de nombreux miracles jusqu’à sa mort en l’an de grâce 720.


Beaucoup moins touristique que le Mont Saint-Michel, le Mont Sainte-Odile ne compte que six habitants : deux prêtres et quatre sœurs vivent dans ce sanctuaire. Sur la façade Est du couvent émerge une tourelle en grès rose surmontée d’une grande statue de Sainte Odile de près de quatre mètres de haut, érigée en 1923. Son auteur, le Colmarien Alfred Clem, a pris sa propre fille comme modèle, devenue ensuite religieuse. La sainte abbesse portant une robe bénédictine étend son bras droit vers la plaine d’Alsace, dans un geste de bénédiction. Dans son autre main, elle tient la crosse et un livre, la Règle de saint Benoît, sur lequel sont représentés ses yeux, symbole de la cécité dont elle a été guérie.

Perchée tel un nid d’aigle sur un éperon rocheux au sommet du Mont Sainte-Odile, l’abbaye de Hohenbourg est un haut-lieu spirituel et énergétique entouré de falaises de grès roses. Ce sanctuaire qui accueillit le pape Jean-Paul II en 1988 abrite une basilique du XVIIème siècle, quatre chapelles, un hôtel et un restaurant. Un chemin de croix, réalisé par le céramiste Léon Elchinger entre 1933 et 1935, orne les parois rocheuses du plateau du couvent.

Ce passage voûté construit en 1730 permet d’accéder à la grande cour. Parmi les visiteurs célèbres qui sont passés sous ce porche, on peut citer le pape Jean-Paul II, le général de Gaulle, l’empereur allemand Guillaume II, Goethe, Anatole France ou encore Maurice Barrès, qui écrivit ici son livre Au service de l’Allemagne en 1903.
Venez et voyez, évangile selon Saint-Jean, chapitre 1 verset 9, bien approprié à Sainte-Odile qui retrouva la vue et qui attire ici les aveugles espérant une guérison miraculeuse. Au-dessus, on aperçoit la statue de Sainte Odile avec le bandeau sculpté de la phrase en latin : Hic Sta Floruit Odilia praesul et semper regnat alsatia mater qui pourrait se traduire par ici fleurit jadis la sainte Abbesse Odile, elle règne en mère de l’Alsace.



« En 720, Sainte-Odile a fondé ici le premier monastère, lieu de prière pour vivre à l’écoute de dieu, le louer et chanter les merveilles de sa création. Depuis 1300 ans, ce lieu accueille tous, pèlerins, marcheurs, visiteurs et touristes pour se laisser regénérer. Toi qui passes au Mont, laisse-toi imprégner par la beauté et le silence du site, habité par Dieu et confie toi à Sainte-Odile. » En effet, en 2020, on vient de célébrer les 1 300 ans du sanctuaire.

La légende de Sainte-Odile
Alors qu’Adalric (ou Etichon), le duc d’Alsace, attend son premier enfant, espérant un fils, c’est une fille frêle et aveugle qui naît. Furieux, il ordonne qu’on la tue. Sauvée puis élevée en secret par sa nourrice, l’enfant recouvre miraculeusement la vue à 12 ans lors de son baptême, au moment où le prêtre touche ses yeux avec l’huile sainte. On lui donne alors le nom d’Odile, qui signifie littéralement « fille de lumière » ou « lumière de dieu ». Plus tard, son père repenti et fasciné par les prodiges de sa fille lui offre le château de Hohenbourg, qu’elle transforme en monastère, dont elle devint la première abbesse : l’actuel sanctuaire du Mont Saint-Odile. Avec la Révolution, les religieux sont chassés, le monastère profané, vendu et presque abandonné pendant 60 ans. Ce n’est qu’en 1853 que le sanctuaire devient la propriété de l’évêché de Strasbourg.

Le tilleul est l’arbre emblématique du Mont. Ce n’est pas un hasard car c’était l’arbre de prédilection de Sainte Odile, qui planta ici trois rameaux de tilleul, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Les tilleuls actuels de la cour du Couvent rendent hommage à ces trois premiers arbres symboles de la Trinité, plantés par Odile au VIIIème siècle. La grande vasque en grès rose trônant au milieu de la cour des Tilleuls provient de l’abbaye de Niedermunster, dont les ruines se trouvent en contrebas du Mont Sainte-Odile. C’est dans un baptistère comme celui-ci, qui date du XIIème siècle, que fut plongée Odile lors de son baptême.

Le corps de Sainte-Odile repose dans un sarcophage situé dans la chapelle Saint-Jean-Baptiste, qui peu à peu prit le nom de chapelle Sainte-Odile. Un lieu de pèlerinage depuis des siècles, attirant notamment les personnes atteintes de maladies oculaires. C’est pourquoi Odile est non seulement la patronne de l’Alsace, mais aussi des aveugles et des ophtalmologistes. Charlemagne et son fils Louis le Pieu visitèrent le couvent. Par la suite, deux empereurs du Saint-Empire romain germanique, Frédéric Barberousse (en 1153) et Charles IV (en 1354) se sont recueillis devant le tombeau d’Odile. Charles IV ouvrit le sarcophage, une première depuis la mort d’Odile en 720, et prit son avant-bras, qui se trouve aujourd’hui dans le trésor de la cathédrale Saint-Vit à Prague.

Il est orné de trois symboles représentant une croix (symbole de la foi), une encre (symbole de l’espérance) se prolongeant en croix et un cœur (symbole de la charité) se prolongeant en croix. Ce sarcophage renferme le calice de la dernière communion d’Odile, dans lequel on faisait boire les pèlerins, ainsi bien sûr que les précieuses reliques de la sainte, vénérées depuis l’époque mérovingienne ! Ces reliques furent heureusement mises à l’abri en novembre 1793. Une excellente initiative, car quand les révolutionnaires arrivent dans le monastère, en août 1794, ils brisent le sarcophage mais n’y trouvent aucun ossement. Les reliques de la sainte furent replacées ici en 1800.

Adalric était alors le Duc d’Alsace. Nous sommes à l’époque des Mérovingiens, sous le règne du roi Dagobert II, à ne pas confondre avec le bon roi Dagobert qui a mis sa culotte à l’envers 50 ans plus tôt.


Entre 1169 et 1175, l’abbaye de Hohenbourg sert d’écrin à l’écriture de l’un des plus précieux manuscrits d’Europe, composé par l’abbesse Herrade de Landbderg : le Hortus Deliciarum (le Jardin des Délices). Il s’agit de la première encyclopédie réalisée par une femme. Hélas, le manuscrit original, qui avait été transféré à la bibliothèque de Strasbourg lors de la Révolution française, a été détruit dans un incendie provoqué le 24 août 1870 par un bombardement allemand lors de la guerre franco-prussienne.

La terrasse panoramique



En réalité, il s’agît d’un bloc gnomonique, c’est-à-dire qu’il réunit plusieurs cadrans solaires ! Sur ses 24 faces, ce gnomon donne l’heure non seulement en Alsace, mais aussi en France atlantique, en France parisienne, en Grèce, en Espagne (avec un cadran spécial pour Saint-Jacques de Compostelle), en Suisse, en Autriche, en Inde, au Japon, en Afrique éthiopienne, en Afrique mauritanienne et au Congo. Ce monument donne même les heures antiques, hébraïques et chaldéennes, une véritable prouesse mathématique et technique ! Sur le socle on peut lire en quatre vers latins, un texte qui signifie : Tu vois comment l’ombre en fuyant indique nos heures ; une ombre régit les ombres, nous ne sommes que poussière et ombre.

Odile pria et pleura dans un endroit écarté au flanc de la montagne et ses pleurs aurait érodé la roche. Au centre de la Chapelle des Larmes (XIIème siècle), sous une grille, le rocher apparaît, marqué par une cavité qui aurait été creusée par les larmes d’Odile priant sur la tombe de son père pour son salut.


Dressée sur un éperon rocheux à l’extrémité nord-est de la terrasse panoramique, la chapelle des Anges (XIIème siècle) s’avance au-dessus d’un précipice. Une situation qui lui a longtemps valu le nom de chapelle Pendante. Tout comme la chapelle des Larmes, la chapelle des Anges abrite de superbes mosaïques, inspirées de l’Hortus Deliciarum.


La source miraculeuse
Sur place, ne manquez pas la source d’Odile ! C’est en ce lieu que selon la légende, la sainte, rencontrant un mendiant aveugle et assoiffé, frappa à l’aide de son bâton un rocher, d’où jaillit cette eau bienfaitrice qui guérirait les maladies des yeux.

Le sentier qui relie la source miraculeuse de Sainte Odile au sanctuaire offre une belle promenade de 15 minutes dans une superbe forêt aux accents fantastiques, une atmosphère féerique d’où l’on s’attend à chaque instant à croiser un elfe, un lutin ou une fée.



L’énigme du mur païen
En contrebas du couvent, une mystérieuse muraille, appelée « le mur païen », encercle le mont Sainte-Odile sur 11 kilomètres et 100 hectares ! Une atmosphère mystique indéniable se dégage de l’un des plus grands monuments mégalithiques d’Europe, dont on peine à évaluer de manière précise la datation. Néolithique ? Âge du Fer, du Bronze ? Ce mur a été remanié au VIIème siècle (à l’époque du duc Adalric, le père d’Odile), mais il s’agissait plutôt de la restauration et de la consolidation d’une enceinte construite par les Celtes (dès 800 à 600 avant J.-C.), puis consolidée par les Romains… Classé monument historique depuis 1840, ce rempart comprend près de 300 000 blocs de pierre de deux mètres de large, atteignant par endroit trois mètres de haut ! Qui a construit ce mur ? Quand ? Et pourquoi ? Malgré les nombreuses fouilles, le mystère demeure…
Le tour de cette muraille couverte de mousses et de lichens offre l’occasion d’une superbe randonnée de 3 heures. On passe notamment devant la mystérieuse grotte des Druides, mais aussi par les ruines de nombreux châteaux, comme le Dreistein et le Hagelschloss, construits avec les pierres du « mur païen ». Des lieux abandonnés envahis par la végétation semblant tout droit sortis d’un film fantastique… Lors de votre randonnée, vous passerez peut-être à côté de trois statues en forme de personnages, les Veilleurs. Elles se trouvent à l’endroit précis où un Airbus A320 d’Air Inter s’est écrasé le 20 janvier 1992 tuant 87 passagers. 9 personnes seulement ont survécu. Ce crash du Mont Sainte-Odile a beaucoup marqué les Alsaciens.
Les ruines de Niedermunster, l’autre abbaye du Mont Sainte-Odile
Un peu plus bas, à 511 mètres d’altitude, on ne manquera pas la visite des ruines de l’ancienne abbaye de Niedermunster, fondée par Sainte-Odile vers 700 pour l’accueil des pèlerins trop malades ou âgés pour accéder à celle de Hohenbourg. Niedermunster signifie justement le monastère du bas, en opposition à Hohenbourg, littéralement forteresse d’en-haut. C’est de ses ruines que vient la vasque qui trône sur la terrasse du sanctuaire du Mont Saint-Odile.


La légende du chameau de Niedermunster
En 802, Charlemagne fit don d’une parcelle de la vraie croix au duc Hugues de Bourgogne, ainsi que des reliques dont le Saint Prépuce du Christ. Le tout est enchâssé dans une grande croix de près de 3 mètres de haut, décorée de métaux précieux, puis chargé sur le dos d’un chameau (il s’agissait en réalité d’un dromadaire, une bosse et non deux). On laisse aller l’animal à sa guise dans l’idée que Dieu le conduira là où la croix-reliquaire doit être vénérée. Une sonnette au cou et suivi de cinq chevaliers, le chameau partit de Bourgogne et arriva enfin en Alsace au pied du Mont Sainte-Odile où il s’arrêta, devant l’abbaye de Niedermunster. Cette croix fit la célébrité du monastère durant tout le Moyen-Âge, attirant des pèlerins de toute l’Europe, jusqu’à ce qu’un incendie détruise l’abbaye en 1572. La croix fut sauvée, mais elle n’échappa pas à la fureur révolutionnaire un peu plus de deux siècles plus tard…

Le château du Haut-Koenigsbourg
Perché sur un éperon rocheux, le château du Haut-Koenigsbourg est une merveille ! Cette forteresse du XIIème siècle était une ruine quand l’empereur allemand Guillaume II, nouveau maitre des lieux après l’annexion de l’Alsace en 1871, le fit restaurer de 1900 à 1908 pour lui rendre sa magnificence d’origine.

Situé à une vingtaine de km plus au sud, le château du Haut-Koenigsbourg présente beaucoup de similarités avec le couvent du Mont Sainte-Odile : un édifice de grès rose construit à flanc de montagne au sommet d’un massif vosgien, surplombant la plaine d’Alsace. Même l’altitude est sensiblement la même : 755 mètres, contre 753 mètres pour le Mont Sainte-Odile…

Un lieu tout aussi mystérieux, porteurs de mythes et légendes, comme celle d’abriter quelque part l’une des reliques de la Passion du Christ : la sainte lance qui transperça Jésus lors de sa crucifixion. C’est en tout cas la théorie de Jacques Fortier dans son roman Sherlock Holmes et le mystère du Haut-Koenigsbourg.
On dort où ?
Le couvent abrite un hôtel de 71 chambres, nommé tout simplement hôtel Mont Sainte-Odile, tout en sobriété comme le veut le site. Vous recherchez la paix et la sérénité ? Vous êtes au bon endroit ! Pas de spa ni de piscine donc, et pas de télévision dans les chambres, excepté dans les deux suites, histoire de rester en harmonie avec la nature et la tranquillité des lieux. Quant à la connexion internet, elle est très aléatoire… L’occasion de débrancher ! Même le réseau pour appeler est compliqué, bref, c’est un lieu mystique propice à la méditation. Un cadre monastique où l’on pourra savourer des spécialités alsaciennes au restaurant Saint-Léon IX, le nom du pape qui a donné le qualificatif de « païen » au mystérieux mur celte. Ce pape alsacien est né à Eguisheim, adorable petit village situé à 5 km au sud de Colmar.
Au niveau des horaires, on n’est pas en Espagne, le restaurant ouvre dès 18h30 et il faut venir avant 20h ! Il faut dire qu’il n’y a pas grand-chose à faire le soir au couvent, à part méditer et lire un bon bouquin… Pour s’installer face à la baie vitrée et admirer le superbe panorama sur les Vosges, mieux vaut venir tôt… La spécialité incontournable du Chef ? La bouchée à la reine, qu’il aime décorer à l’aide de fleurs trouvées dans les alentours et de plantes du jardin. Qu’est-ce qu’on boit ? Le rouge d’Ottrott bien sûr ! C’est le vignoble du coin, autour du village d’Ottrott, célèbre pour les ruines de son château. Certes, ce n’est peut-être pas un grand vin, mais une cuvée vraiment locale, dont les vignes sont directement alimentées par la fameuse source miraculeuse de Sainte-Odile, bref, c’est un pinard béni ! Quant au petit-déjeuner, il n’est pas vraiment léger (crêpes, charcuterie, fromage, viennoiseries…), bien qu’il se prenne dans la salle Saint-Léger, sous la bienveillante surveillance d’une statue de Jésus Christ… Tarif moyen : 87 euros la nuit.

Une chasse au trésor
Si vous êtes avec des enfants, ne manquez pas la chasse au trésor ! Une façon ludique pour découvrir les lieux et l’histoire du site, à travers énigmes et indices, de statues en fresques, d’arbres en blasons et panneaux, avec à la clé le trésor de Pâques, qui n’est autre qu’un grand lapin en chocolat. L’un des indices se cache dans le tronc d’un arbre creux sur la terrasse panoramique.
L’aventure commence à la réception de l’hôtel du Mont Sainte-Odile, où l’on vous remet un livret, puis vous arpentez le restaurant Saint-Léon, la salle Saint-Léger (où l’on prend le petit-déjeuner), la salle des Pèlerins (réfectoire où sont présentés les écussons de nombreux villages d’Alsace, l’un deux cachant un indice), la table d’orientation panoramique (qui indique Strasbourg, Colmar, la Forêt Noire en Allemagne et de nombreux villages et châteaux), la cour du cloître, la basilique, le mystérieux cadran solaire, la statue de Sainte-Odile, la grande terrasse et ses beaux tilleuls, avant de conclure par le sentier qui mène à la source. Un souterrain serait d’ailleurs caché quelque part sous le sanctuaire, et mènerait au trésor du couvent, mais ce n’est qu’une légende…
super ce reportage sur le mont st Odile
il y a toujours des informations qui nous avaient échappées
et toujours cette passion de découvrir communicative
on a toujours envie de voir ou revoir ces lieux après
bravo Nicolas
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De plus en plus intéressé, par ces articles, surtout en lisant ça me donne « » »la chaire de poule « » », n’est ce pas vrai,? ce passé glorieux nous donne plus envie de respecter et d’admirer les aïeux, leurs prières, leurs sacrifices, et leurs bénédictions, je témoigne que j’ai vécu une guérison des yeux en se confiant à sainte Odile, bon courage et merci pour la fin: cerise sur le gâteau très clair, BRAVO
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Nicolas a l’art nous nous donner envie d’aller visiter ces lieux, grâce à ses anecdotes, son humour, les photos artistiques et le texte fort instruisant. Merci beaucoup
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